Entre nuit et jour...

Invité

Entre Nuit et Jour.

C'était la nuit.. ou le jour.. En fait, je ne sais plus. Il y avait ces cieux noirs comme le monstrueux Néant qui avaient arrêtés de me pourchasser. C'était froid. Sans pour autant être désagréable. Je restais assis sur ce gros rocher mal découpé, regardant l'astre lunaire faire son trajet dans la voie lactée. Et oui... Toute la nuit, sans bouger. Je hurlais ma souffrance, mes peines, mon envie d'être avec elle... Mon hurlement doux et grave brisait le vent, loin de ces sales zoliens intimidateurs. J'aimais ma solitude, c'était mon deuxième monde à moi, sachant qu'à ma mort je n'en aurais pas... Comment pouvoir atteindre l'un des deux domaines en étant hybride? C'était stupide.. Pourquoi moi dans cette Prophétie, hein? Ça aurait dû être quelqu'un d'autre qu'un avorton rejeté des autres... Enfin, je n'avais simplement pas du tout confiance en moi. J'étais nul dans tout... Nul dans la psychologie, dans le vol, dans les rites. Je me maudissais, ainsi que tous les autres, sauf elle.. Oui, la nuit me faisait penser à tout ça... Tous ces malheurs, cette nostalgie qui m'empêchait de sommeiller chaque nuit. Le jour, lui, était devant mes yeux, brillant de ses couleurs vives et chaudes. Son soleil aujourd'hui rose s'élevait de l'horizon, à moitié coupé par la bande de gazon bleu au loin. L'astre envoyait ses quelques rayons sur les fleurs aussi belles que celle que j'attendais. Mon coeur se réchauffa en voyant le paysage doux et joyeux. J'oubliai presque toutes mes pensées négatives et me couchai dans l'herbe, respirant l'odeur des plantes multicolores. Je repensai à nos premières rencontres, au jour ou l'on s'étaient déclarés notre flamme, à ce baiser qui signifiait tant pour moi.. Presque ma vie en dépendait. Le jour, c'était pour moi ni un protecteur ni un guérisseur, mais un réconfort à mes peines. Seulement.. seulement les jours où je savais qu'elle viendrait. Comme.. aujourd'hui.

J'avais pressenti son odeur il y avait quelques minutes. Sous ma forme de canidé, j'eus humé cette flagrance douce et gracieuse. Elle était troublée, je le ressentais. J'espérais, du moins, qu'elle viendrait. Ce que j'ai cru prévoir. J'eus donc passé une nuit complète dans la Clairière, endroit que nous aimions beaucoup, malgré le trop grand espace. Car, c'était dangereux, de nous voir ainsi, main dans la main.. Certes, j'en savais les risques, elle aussi d'ailleurs. Mais jamais je ne renoncerai, je trouvais ces lois stupides. Interdire d'aimer c'est comme nous interdire de liberté.. L'amour était l'essence même de la vie pour moi. Et même si j'étais conscient que rien ne m'arriverait, les risques que Valériane prenaient étaient bien plus fragiles. Si elle se faisait prendre, je m'étais juré de tout faire pour l'arracher de ces sales boites de conserve, même si cela me paraissait presque impossible... J'y pensais trop souvent d'ailleurs, et cela m'agaçait et m'empêchait de savourer nos rencontres, car je guettais le danger à chaque fois. Valériane s'en rendait compte aussi..

La nuit s'achevait. Elle descendait à ma droite aussi doucement qu'une plume qui flottait dans les airs. Je me redressai et me transformai en loup. Je retournai vers les cieux noirs et hurlai à pleins poumons pour la lune et mon amour. Je lâchai mes dernières souffrances dans un deuxième hurlement plus bas puis me retournai vers le nouveau jour qui se levait. Je dépliai mes ailes et partis à courir à en perdre le souffle. Je donnai une petit poussée sec d'ailes pour décoller du sol et ensuite me soulever vers le soleil. Je partis à sourire faiblement tout en faisant ma parade virevoltante dans les airs. J'aimais voler, c'était une de mes échappatoires suite à la solitude. Et évidemment, j'aimais bien le faire en solitaire. Je ne volais jamais sous ma véritable forme, car, bien que cela soit difficile à croire, mes ailes étaient beaucoup plus longues sous ma forme de loup qu'humaine. Je ne savais d'ailleurs pas encore voler sous ma vraie apparence, mais cela viendrait d'ici un an, j'en étais sûr. Couit couit. Je tournai la tête vers le sol. Un petit rapace, minuscule soit-il, se tenait immobile, sur le sol. La faim me prit les entrailles. Je n'avais rien mangé depuis hier matin. Heureusement pour moi, l'animal n'était pas un zolien muté et ne paraissait pas habitué aux chasseurs. Comment le savais-je? J'aurais sentit l'odeur fétide de la Maison Cubique à travers son plumage. Donc, je mis mes ailes dans un parfait angle de 180 degrés aux cotés de mon dos et partis à planer rapidement vers le volatile. Je posai mes pattes sur le sol et sautai d'un coup sur l'animal. Je déchirai sa tendre chaire de mes dents pointues et mâchai avec délice. Un vrai loup aurait avalé sans savourer. Mais moi j'aimais goûter le sang chaud et réconfortant. Un peu comme le lait chaud que l'on buvait plus petit. Car soit-il, que j'ai découvert que les canidés avaient plus de goût que les zoliens. Je ne regrettai en rien ma mutation, je l'adorai de tout coeur. Il était toutefois dommage que mon aimée soit un pégase... Je devais me contrôler pour ne pas éveiller mes instincts de chasseur lorsqu'on était tous deux mutés..

Un bruit. Je posai mon regard sur une rangée épaisse d'arbustes qui venaient de frissonner. Était-ce Valériane? Je l'espérais de tout âme.. Le coeur battant, je me mutai en zolien et parcourait les conifères de mes yeux bleus-gris.

» Mon amour, c'est toi ?